Photo de Louis Vizet

COLLECTION INTERVALLE

Sortis du traditionnel tour de potier et issus d’un geste répétitif, les cylindres – figures d’apprentissage s’il en est en céramique – s’apprêtent. Leur révolution terminée, l’évolution s’engage. La collection Intervalle se livre à un jeu de déconstruction paradoxalement patiemment fabriqué, monté, assemblé.

Une translation fait surgir l’espace du vide essentiel, une autre libère une fine anse. Les blocs se positionnent et prennent valeur de modules. Ils s’attachent selon un code autonome qui conserve leurs similitudes et déploie leur variété. D’un objet à l’autre – tasses, pichets, vases, lampes, bougeoirs –, les modules coulissent, rideaux noirs d’où file la lumière ; les modules s’empilent, tours à l’équilibre provocateur ; les modules s’abordent, hybrides imaginairement enchevêtrés ; les modules surprennent, formes familières autant qu’inventées.

Les cylindres tranchés composent une partition contemporaine où les montages se diversifient, se répondent, se complètent et se sculptent avec la rigueur d’un arpège et les nuances d’un accord.  Le rythme prend sa cadence en volumes, en décalages, en déplacements, tandis que les angles adoucis et quelques lignes brisées rompent l’attendu à la manière d’un contretemps. Le vide systémique tient son rôle nécessaire de liant, laissant les anses dans l’aisance de la légère suspension d’un demi-soupir. Dans l’intervalle entre un noir satin et la rugosité de la terre brute, l’exploration de la texture mène du thème à la variation.

Les objets s’accomplissent dans leurs rencontres avec eux-mêmes, avec leurs ombres, avec leur destination. Un café fumant, un bouquet de fleurs, une lumière, une bougie participent à la subversion : une volute envoûtante module les traits ; la courbe d’une tige infléchit les lignes strictes ; une composition végétale chapeaute la structure de ses couleurs ; une lueur ose une forme géométrique au-delà du cylindre ; une chandelle prolonge la silhouette jusqu’au triomphe, mais sa cire dégoulinante viendra bientôt faire tressaillir la séquence.

Car ça y est, maintenant qu’il s’est remplit de ses fonctions, l’objet s’émancipe des gammes scolaires pour fréquenter l’émotion du quotidien.

Texte de Sarah Zhiri